Rawaa LAAJIMI

 

gris Docteure en économie
gris Mail : rawaalaajimi@gmail.com

Soutenance le 20 juin 2022 sous la direction de  Julie Le Gallo  , Professeure de l’Enseignement Supérieur Agricole, L’Institut Agro Dijon

Résumé de thèse :

Analyse spatiale de la relation entre la mobilité des travailleurs et l’agglomération industrielle : Cas de la Tunisie

En Tunisie, les politiques publiques régionales mises en place depuis l’indépendance ont pour objectif majeur de réduire le déséquilibre structurel et économique entre ses régions et de favoriser la croissance dans les zones les moins développées. Cependant, au fil des années, le déséquilibre entre les régions du littoral et celles de l’intérieur et du sud s’est dramatiquement creusé, entraînant plusieurs tensions et soulèvements populaires. Par ailleurs, ce déséquilibre est considéré comme l’un des principaux déclencheurs de la révolution tunisienne du 14 Janvier 2011. Ainsi, cette thèse traite les principaux déterminants de la localisation des agents économiques et leurs conséquences sur les inégalités régionales en Tunisie. Trois sous-questions ont émergé de cette problématique : Quelle concentration géographique des industries manufacturières en Tunisie ? Quel rôle des politiques publiques territoriales dans les choix de localisation des activités manufacturières ? Quels sont les déterminants de la migration interne ?

D’un point de vue empirique, cette thèse vise à alimenter la littérature sur les configurations spatiales des agents économiques dans les pays en développement, particulièrement en Tunisie. D’un point de vue de politique publique, les résultats obtenus à partir de ces études empiriques fournissent des éléments de compréhension sur les différents mécanismes ayant une relation directe avec les disparités régionales, ce qui permet d’aider les décideurs politiques à mieux appréhender les configurations spatiales des agents économiques dans le cadre d’une politique de lutte contre les disparités régionales en Tunisie.

Dans le premier chapitre, nous analysons les configurations spatiales de diverses industries manufacturières en Tunisie à l’aide de données micro-géographiques et d’approches basées sur la distance, développées par Duranton et Overman (2005) et par Diggle et Chetwynd (1991). En utilisant un échantillon original de 5 405 usines en Tunisie en 2018, nos résultats montrent que la majorité des industries manufacturières en Tunisie se caractérisent par une concentration géographique à courte et moyenne distance. Ces concentrations sont principalement situées dans un rayon de moins de 30 km. Au niveau sectoriel, l’industrie textile se caractérise par une forte concentration géographique, et les industries de haute technologie sont également parmi les plus concentrées, confirmant l’existence de pools spécialisés dans les activités de haute technologie en Tunisie. Nous procédons à une analyse approfondie pour caractériser les configurations spatiales des sous-secteurs : usines totalement et partiellement exportatrices et usines nationales, mixtes et étrangères. Cette analyse montre que les usines totalement exportatrices et les usines étrangères et mixtes sont fortement concentrées géographiquement et dominent la distribution spatiale de l’industrie manufacturière en Tunisie.

Dans le deuxième chapitre, nous étudions la relation entre les choix de localisation des entreprises manufacturières et les politiques publiques territoriales. Pour atteindre cet objectif, nous réalisons une enquête auprès de 179 entreprises manufacturières du sud-est tunisien, basée sur une administration indirecte du questionnaire. Dans l’analyse empirique, nous mobilisons différentes méthodes : analyse factorielle multiple, classification ascendante hiérarchique et modèles probit. Ces méthodes confirment le rôle des incitations fiscales et financières dans les décisions de localisation de certaines entreprises manufacturières, mais soulignent également l’importance des facteurs traditionnels tels que la main-d’œuvre, la disponibilité des terrains et la proximité géographique. Les modèles probit indiquent que la considération des incitations fiscales et des subventions dans le choix de localisation manufacturière augmente de 15% la probabilité de s’implanter dans une zone fiscalement avantageuse.

Dans le dernier chapitre, nous examinons les déterminants de la migration interne en Tunisie, en nous concentrant sur le rôle des différences du capital humain. En exploitant les données des recensements réalisés par l’Institut National de la Statistique de 2004 et 2014 en Tunisie, nous estimons un modèle de gravité augmenté de deux proxys du capital humain (hautement qualifié et faiblement qualifié). Nous utilisons le différentiel de taux de chômage et la distance routière comme variables de résistance multilatérale et introduisons également des variables culturelles et de qualité de vie. Nos estimations montrent que les variables macroéconomiques sont les principaux déterminants des flux interrégionaux. Quant au capital humain, le niveau élevé de capital humain agit comme facteur d’attraction pour les migrants et le niveau faible de capital humain comme facteur de restriction de la migration vers les régions de destination. En outre, les variables non économiques jouent un rôle important dans les flux migratoires en incitant les individus à quitter leurs régions d’origine.

Mots clés : Industries manufacturières, Choix de localisation, Configurations spatiales, Capital humain, Méthodes spatiales, économétriques et multidimensionnelles, Politiques publiques régionales, Tunisie.